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17ème Open and User Innovation Conference – News et Impressions

By août 7, 2019No Comments

Juillet dernier, a eu lieu à Utrecht la 17ème Conférence Internationale Open and User Innovation (OUI). C’était ma quatrième fois à participer à la rencontre de cette communauté et j’étais content de voir qu’elle grandisse. J’ai présenté la méthodologie de la Matrice de Contribution, tirant d’un papier que nous avons soumis avec Kevin Desouza à la revue IEEE Transactions on Engineering Management juin dernier.

La communauté OUI

La communauté OUI a commencé à se réunir au debout du millénium, notamment autour de l’ouvrage phare Democratizing Innovation par Eric VonHippel2005, ainsi que le livre Open Innovation par Henry Chesbrough2003. Son cadre est résumé par le modèle ci-dessous (Raasch et von Hippel, 2012) :

User Innovation

User and Producer Innovation Paradigms (Raasch and von Hippel, 2012)

La conférence en question était portée par l’Université d’Utrecht et accueillie dans un de bâtiments les plus historiques de la ville, et elle a abordée tout un éventail de thématiques, allant du rapport entre crowdsourcing et institutions de santé, aux outils de gouvernance des plate-formes ouvertes et les enjeux de conception organisationnels.

Pour résumer, il existe ici deux thèse majeurs. D’une part, en effet, les usagers innovent (von Hippel, 1977). De l’autre, les entreprises auraient pu innover davantage à condition qu’elles s’ouvrent un peu (Chesbrough, 2003). Sur cette base, les spécificités de chaque paradigme d’innovation sont explorées par un ensemble d’études. Dans le cadre de l’Open Innovation, les entreprises regarder au-delà de ce qu’elles contrôlent et échanger des savoirs et des idées avec des tiers pour les intégrer dans des nouvelles offres. Dans le paradigme de la User Innovation, les innovations émergent par les lead users, qui les partagent librement avec leurs pairs  : en théorie, les innovations d’usage viennent des usagers, tandis que les innovations technologiques viennent des industriels (von Hippel, 1994).

Des impressions

En tout, la plupart des études présentées par des jeunes chercheurs étaient bien intéressantes, faisant preuve d’ambitions théoriques importantes. Il était également intéressant de voir qu’un bon nombre d’études présentées porté sur l’innovation par les développeurs. Par exemple, les développeurs les plus reconnues dans la programmation en langage Python viennent encore des parcours variés, et on retrouve parmi eux aussi bien des diplômés des universités de renommée que des autodidactes (Wang et al, 2019).

Une autre présentation que j’ai bien appréciée portait sur l’organisation d’un séminaire par et pour des patients de cancer, en collaboration avec des professionnels courageux de santé (Sanden et al, 2019). L’étude décrivait une expérience d’apprentissage actif, où les identités à la fois des patients et des professionnels étaient mises en épreuve. Cette présentation m’a fait pensé à la discussion épistémologique sur le rapport entre sciences contemporaines et sciences standards que nous ouvrons dans notre dernier ouvrage collectif, surtout en ce qui concerne la formation des identités (Chrysos et Gentes, 2019). Il s’agit d’une démarche d’enseignement sans doute à suivre.

En outre, le discours liminaire annoncé par Christoph Stampfer, professeur de Physique, sur l’App qu’il a développé fut très intéressant. Il s’agissait de l’App phyphox, de code source ouvert, qui met en valeur les instruments que dispose un smart phone en permettan d’opérer des expérimentations en Physique. En effet, contrairement aux consommateurs des smart phones, le petit groupe des développeurs du phyphox ne s’est pas contenté aux Apps de Physique pré-existantes. Ils ont regardé sous leur pouce, pour y trouver un ensemble d’instruments (accéléromètre, magnétomètre, gyroscope, détecteur de lumière etc) et en faire quelque chose. Développé au départ pour son propre cours, l’App de Prof. Stampfer a progressivement réuni une communauté d’enseignants internationale qui contribue des nouveaux protocoles d’expérimentation. Ainsi, ces derniers peuvent avoir dans leurs poches un laboratoire de Physique comparable à celui des écoles.

Il était intéressant de voir dans ce champ particulier la phase Usager-Développeur-Entrepreneur (UDE), comme je la décris dans ma thèse  : aujourd’hui, plusieurs usagers demandent un service client, tout comme les consommateurs. Or, étant donné que fournir des services clients n’intéresse pas Prof. Stampfer lui-même, un schéma entreprenant doit être inventé pour que la communauté puisse s’étendre. Le tout petit groupe des UDEs du départ doit alors doit donner sa place à un groupe de Développeurs-Entrepreneurs (DEs), mettant à côté leurs préférences personnelles pour servir les consommateurs (voir le schéma ci-dessous) (Chrysos, 2013 ; Chrysos, 2015) :

Developer Innovation

Developer Innovation, in-between the two paradigms: User-Developer, User-Developer-Entrepreuner, Developer-Entrepreuner (Chrysos, 2013).

Une autre présentation qui fut surprenante est venue par un économiste : il a dit que la plus grande partie des dimensions faites de l’innovation par les usagers explorées par la communauté OUI (e.g. la recherche sur leurs motivations) sera tout simplement ignorée une fois qu’un modèle économétrique soit établi. Il était intéressant, pour autant, de voir comment les modèles économétriques sont fabriqués, en prenant en compte ce qui est déjà là, en testant des paramètres et en enlèvent d’autres, pour garder finalement ceux qu’on ne peut pas mettre de côté, ainsi que ceux qui sont pertinents.

Des nouvelles

Cette conférence a également ouvert des horizons pour les politiques d’innovation au niveau international. L’Oslo Manual de l’OCDE, relatif aux indicateurs de mesure de l’innovation, a récemment étendu sa portée, parlant désormais d’unités d’innovation. Ceci implique que les gouvernements peuvent prendre en compte un ensemble d’acteurs innovants au delà de l’entreprise, pour intégrer l’innovation à domicile dans leurs politiques futures. Cette évolution ouvre des nouvelles perspectives de recherche, y compris pour rendre davantage visible l’innovation par les développeurs. Elle vient après quelques décennies de recherche de la communauté scientifique. Je suis donc assez fier d’avoir contribué dans cette discussion, avec une présentation de mon ouvrage sur les développeurs dans un séminaire modeste organisé par la Direction des Sciences, des Technologies et de l’Innovation de l’OCDE ici à Paris il y a quelques années (Chrysos, 2016).

Ma contribution

Dans cette conférence, j’ai présenté une méthodologie pour analyser des technologies émergentes, dont une première version j’avais déjà présenté au Center for Organizational Research and Design lors de ma visite à l’Arizona State University (ASU) il y a deux ans. La méthode standard pour analyser des technologies de la communauté OUI est la Design Structure Matrix (DSM) (Baldwin et Clark 2000 ; Steward, 1981), qui identifie et représente des attributs différents d’une technologie donnée. Pour autant, comme le notent Colfer et Baldwin dans un papier récent, lorsque les technologies en question changent vite et deviennent plus complexes, on a besoin d’autres solutions (Colfer et Baldwin 2016).

La présentation (disponible gratuitement ici) est basée sur l’article que nous avions élaboré avec Kevin Desouza, que j’avais rencontré à l’ASU. Les dimensions abordées avec Kevin avant la soumission du papier à l’IEEE Transactions on Engineering Management furent également convoquées dans la discussion qui a suit la présentation, surtout en ce qui concerne la différence entre la DSM et des méthodes fondées sur la théorie des graphes bipartites (Danilovic, 2007 ; Suh, 1990). De surcroît, nous avons discuté du processus de standardisation des nano-satellites et notre travail avec Nikitas Chronas and Apostolos Maisakos, présenté l’année dernière à la NASA et la CalPoly (Chrysos , 2018a ; Chrysos, 2018b). J’ai également eu l’occasion de rencontrer des ingénieurs académiques venant de l’industrie spatiale et échanger sur des exemples historiques – tels que les premiers pas de l’industrie du PC – que j’avais étudié dans ma thèse.

En outre, j’ai pris le temps de me balader dans la ville d’Utrecht et j’ai pu monter dans la fameuse tour Dom. J’ai beaucoup marché au long des canaux qui, avant la prédominance Amsterdam, faisaient d’Utrecht un port majeur. Ne pas disposer d’un aéroport est pour Utrecht une belle chose apparemment, vue la qualité de vie dont les habitants bénéficient en l’absence de tourisme de masse. J’ai pris un verre avec Timo, qui m’a parlé de son expérience sur l’innovation dans le secteur bancaire. Suite à l’obtention de son diplôme du Master “Innovation in European Business”, il a rentré à Utrecht et a trouvé en moins de trois semaines ce travail qui lui plaise beaucoup.

En tout, l’organisation de la conférence était parfait et j’étais très content de voir que la communauté aille si bien. La prochaine conférence aura lieu à Aachen, qui doit être la première ville allemande par ordre alphabétique.

 

Références

Baldwin, C. Y. and Clark, K. B. (2000). Design Rules, Vol. 1: The Power of Modularity. The MIT Press, Cambridge, MA, first edition.

Chesbrough, H. W. (2003). Open Innovation: The New Imperative for Creating And Profiting from Technology. Harvard Business Press, Boston, Mass., first trad edition.

Chrysos, P. (2013). When users create industries: the case of Web-based applications. PhD thesis, Mines-ParisTech.

Chrysos, P. (2015). Les développeurs. FYP, Paris.

Chrysos, P. (2016). Foggy economy: the challenges of the expansion of emerging technologies and the innovative action of developers.

Chrysos, P., Chronas-Foteinakis, N., and Masiakos, A. (2018a). Design Miniaturisation: transposing a proposed standard to meet the requirements of a nano-satellite. In 15th Cubesat Developers Workshop, San Luis Obispo, CA, USA. California Polytechnic State University.

Chrysos, P., Chronas-Foteinakis, N., and Masiakos, A. (2018b). Α Generic Framework for the Miniaturization Of Satellites. In 2018 NASA Academy of Aerospace Quality Workshop, Cleveland, OH, USA. NASA Academy.

Chrysos, P. and Gentes, A., editors (2019). L’aventure épistémologique contemporaine Rencontres autour des travaux d’Anne-Françoise Schmid. Kimé, Paris (France).

Colfer, L. J. and Baldwin, C. Y. (2016). The mirroring hypothesis: theory, evidence, and exceptions. Industrial and Corporate Change, 25(5):709–738.

Danilovic, M. and Browning, T. R. (2007). Managing complex product development projects with design structure matrices and domain mapping matrices. International journal of project management, 25(3):300–314.

Raasch, C. and von Hippel, E. (2012). Modeling interactions between user and producer innovation: User-contested and user-complemented markets. In DRUID, page 37, Copenhagen, Denmark.

Sanden, U., Harysson, L., Nilsson, F., Thulesius, H., and Hagglund, M. (2019). Collaborative university course for user innovation in healthcare. In 17th International Open and User Innovation Conference, pages 88–89, Utrecht. Utrecht University, the Netherlands.

Steward, D. V. (1981). The design structure system: A method for managing the design of complex systems. IEEE Transactions on Engineering Management, EM-28(3):71–74.

Suh, N. P. (1990). The principles of design, volume 226. Oxford University Press, New York.

von Hippel, E. (1977). Industrial innovation by users: evidence, explanatory hypotheses and implications.

von Hippel, E. (1994). « Sticky Information » and the Locus of Problem Solving: Implications for Innovation. Management Science, 40(4):429–439.

von Hippel, E. (2005). Democratizing innovation. The MIT Press, Cambridge, MA.

Wang, S. and Tambe, P. (2019). Star developers and open source softwarer. In 17th International Open and User Innovation Conference, page 149, Utrecht. Utrecht University, the Netherlands.